AmCham Haiti > News > News > Interview avec le Dr Marie-Marcelle Deschamps autour de la Covid-19

Interview avec le Dr Marie-Marcelle Deschamps autour de la Covid-19

  • Posted by: AmCham Haiti
  • Category: News

1. Dr Deschamps, parlez-nous de votre parcours dans le secteur médical en Haïti ?

Je suis médecin interniste Graduée à la Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Haïti.
J’ai soigné les premiers cas de SIDA en Haïti alors interne a la Faculté de Médecine en
1980. Je suis partie pour une spécialisation en Médecine tropicale et maladies
infectieuses au National Institute of Health et au Walter Reed Institute of Research à
WDC. Je suis retourné au pays en 1983. Je suis Co-directrice et Co- fondateur des
Centres GHESKIO où je travaille depuis plus de 35 ans. Je participe activement à la lutte
contre le SIDA et j’ai publié plusieurs articles et revues scientifiques sur les problèmes
liés au VIH en Haïti et ses modes de transmission, son histoire naturelle.

 

2. Dans le cadre du Covid-19, quels sont les services que vous offrez à la communauté ?

Les premiers cas du COVID-19 ont apparu en Haïti le 19 Mars 2020 ; dans le souci de
répondre rapidement aux besoins liés à cette pandémie, le GHESKIO a développé un
document de projet intitulé : Mise en Place de réponse rapide pour le diagnostic, la
prévention et traitement de COVID en Haïti – GHESKIO-MSPP. Ce projet consiste à
mettre en place au niveau de nos deux principaux sites situés à INLR (Bicentenaire) et à
IMIS (Tabarre) : un modèle de centre de surveillance, de dépistage et de prise en charge
des cas suspects ou qui donc se présentaient à nos cliniques. Cette pathologie étant une
maladie infectieuse hautement transmissible, il fallait mettre en place les structures
pour répondre aux besoins de protéger notre staff, et répondre aux besoins de la
communauté, pour l’identification des cas suspects et leur diagnostic biologique, la prise
en charge, l’isolement et la recherche des cas contacts.

 

3. Comment voyez-vous l'évolution du Covid-19 en Haïti ?

Comme les projections l’ont signalé, le respect des lignes directrices en matière de
distanciation sociale est limité, l’état sanitaire déplorable du pays, le port des masques
n’est pas respecté pour la plupart. Il faut s’attendre à une flambée de l’épidémie enHaïti.

 

4. Maintenant que les chiffres commencent à augmenter, comment cela se passe pour
vous aux Centres GHESKIO ?

Le GHESKIO est une institution qui travaille depuis sa création à répondre aux besoins
nationaux de santé publique, les moyens de prévention n’étant pas respectés, les

ressources sont limitées il nous faut donc travailler avec les structures existantes. Mais
on l’a constaté, les pays les plus riches se sont affaiblis, vite ils ont dépassé leur capacité
de répondre aux besoins que nécessitent la réponse à cette pathologie qui se répand
rapidement et aveuglément ciblant les personnes jeunes comme les personnes âgées.

 

5. Combien de patients avez-vous reçu jusqu’à présent ?

Au GHESKIO on a reçu de Mars à aujourd’hui plus de de 2,500 patients qui se sont
présentés avec un tableau d’infection respiratoire aigüe (IRA) : près de 60% proviennent
de Port-au-Prince, de la zone métropolitaine et ses environs.

 

6. Quelle est la moyenne de patients que vous recevez par jour ?

Au début de l’épidémie on recevait une vingtaine de patients par jour et actuellement
on reçoit plus de 300 patients par jour qui viennent pour les soins ou le dépistage

 

7. De combien de personnes est-composé votre staff en ce moment de crise ?

Le GHESKIO a plus de 400 employés qui travaillent au niveau de nos différentes unités et
environ une quarantaine de médecins, infirmières, techniciennes de laboratoire sans
compter les ASCP qui travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 qui sont attachés aux
unités COVID 19. On a dû augmenter notre staff pour répondre aux besoins croissants
de cette pandémie.

 

8. En termes de matériels, êtes-vous assez équipé pour faire face au virus ?

Aucune institution, aucun pays ne sera assez équipé pour faire face à cette épidémie.

 

9. Avez-vous assez de test pour vos patients ?

Les tests on en dispose à présent, mais les ressources humaines qualifiées pour réaliser
ces tests biologiques sont limités tenant compte des normes et procédures établies
sécuritaires. Les tests sont disponibles au niveau du laboratoire et effectués sur une
plateforme moléculaire (RT-PCR ou Abbott). Après la réalisation des tests, un staff
compétent doit les valider avant de remettre les résultats, c’est un travail fastidieux et il
n’y a que deux (2) laboratoires pour tout le pays : le GHESKIO – IMIS Tabarre et le
Laboratoire National.

 

10. Quels sont les arrangements que vous aviez faits pour préparer la réponse à la Covid-
19?

Il fallait rapidement développer un curriculum de formation, un manuel, un guide de
prise en charge destiné aux prestataires, former le personnel, achèter des intrants et
des équipements. Il faut sensibiliser la communauté pour nous assurer de leur
compréhension et leur implication. Cette bataille on ne peut pas la gagner si toute la
communauté ne s’implique avec nous : on ne peut laisser personne en chemin.

 

11. Quel est plus gros challenge auquel vous faites face pendant cette période ?

Le manque de message de prévention, la réticence de la population à se faire tester ou
même croire à l’existence du virus. Il faut renforcer les messages dans les différentes
communautés.

 

12. Quel support avez-vous reçu de l’État ?

Le GHESKIO a toujours travaillé avec le Ministère de la Santé Publique depuis sa
création : on croit fermement à un partenariat public, privé pour toute action qui doit
avoir un impact national.

 

13. Le secteur privé est aussi mobilisé pour la lutte conte le coronavirus. Quelle contribution avez-vous reçue de ce secteur ?

Le secteur privé a été remarquable, rapidement : 48 heures après l’appel : le secteur
privé a répondu en nous acheminant des dons en matériels et en espèce pour un
montant total de 1.2 millions de dollar : une grande partie va aux bénéfices des
différents acteurs nationaux sous la supervision de la Commission Nationale et
Multisectorielle.

 

14. Avez-vous bénéficié d’aide internationale ?

Non pas encore : il y a des promesses. Mais pour le moment on a reçu le support que du
secteur privé Haïtien : on en est fier.

 

15. Avez-vous un message pour nos lecteurs ?

Je crois qu’Haïti encore une fois va payer une lourde tribu à cette catastrophe. Les
faiblesses de structure dans la zone frontalière vont couter beaucoup à Haïti car
l’épidémie au début provenait surtout des individus qui visitent les pays voisins.
L’impact va être lourd et je crains autant : L’après COVID- 19.