Le 9 octobre 2024, le Ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI) a publié une note rappelant à toutes les sociétés anonymes l’importance de se conformer aux exigences légales relatives aux déclarations annuelles, notamment en ce qui concerne la soumission du bilan d’activité et la déclaration de fonctionnement. Christelle Vaval, avocate spécialisée en droit des affaires au Cabinet Salès, a jugé opportun d’attirer l’attention des membres de l’AmCham Haiti sur l’applicabilité de cette note, en tenant compte de la législation en vigueur. Elle a particulièrement souligné l’importance des dispositions de deux textes essentiels à la compréhension des obligations légales des sociétés anonymes en Haïti, à savoir, l’article 44 du Décret de 2005 sur l’Impôt sur le Revenu, qui fixe les délais pour la soumission des états financiers des sociétés, ainsi que l’article 1133-1 de la Loi portant réforme du statut de commerçant et des actes de commerce de 2018, qui impose l’obligation d’immatriculation ou de renouvellement des sociétés au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Dans sa note du 9 octobre 2024, le Ministre du Commerce et de l’Industrie, M. James Monazard, a rappelé le contenu des articles 6, 7 et 13 de la Loi du 3 août 1955, modifiée par les décrets successifs du 28 août 1960, du 16 octobre 1967, et du 11 novembre 1968 qui prévoient ce qui suit:
Les sociétés anonymes doivent soumettre une copie certifiée de leur bilan d’activité au MCI entre le 1er et le 30 octobre de chaque année. Ce bilan doit être accompagné d’une déclaration de fonctionnement, dont le montant est fixé à 1,500.00 gourdes, et celle-ci doit être apposée sur un timbre de 100.00 gourdes.
De plus, la patente délivrée par la Direction Générale des Impôts (DGI) ne sera émise qu’après présentation d’un reçu attestant que le bilan a bien été déposé au MCI, conformément à la loi.
Les sociétés anonymes qui ne sont pas en activité mais souhaitent conserver leur existence légale doivent en informer la DGI avant le 15 janvier de chaque année. Dans ce cas, elles devront s’acquitter d’un droit de non-fonctionnement de 25,000.00 gourdes. Cette démarche devrait permettre à l’État de tenir à jour ses registres et de connaître les entreprises inactives souhaitant maintenir leur statut juridique.
Le non-respect de ces obligations pourrait entraîner des conséquences graves, telles que la révocation de l’autorisation de fonctionnement. En effet, une société ne déposant pas son bilan ou omettant de notifier son non-fonctionnement à la DGI et au MCI au 31 décembre, pourrait voir son avis d’autorisation de fonctionnement révoqué. En conséquence, la société pourrait être dissoute et sans possibilité de poursuivre légalement ses activités.
Incompatibilité des articles 6, 7 et 13 de la Loi sur les sociétés anonymes avec le Décret de 2005 sur l’Impôt sur le revenu
Le Décret de 2005 sur l’impôt sur le revenu encadre les obligations fiscales des contribuables, qu’ils soient sociétés ou particuliers, et établit les délais de soumission des états financiers à la DGI. En vertu de ce texte, les sociétés disposent de 90 jours après la clôture de leur exercice financier pour déposer leurs états financiers, avec la possibilité d’une extension supplémentaire de 120 jours. Ce régime contraste avec celui de la Loi sur les sociétés anonymes, qui imposait un dépôt avant le 30 octobre.
Cette différence de traitement introduit une incompatibilité entre les anciennes dispositions et le Décret de 2005. En effet, les articles 6, 7 et 13 de Loi sur les sociétés anonymes, qui régissaient les obligations de dépôt de bilan, se retrouvent en contradiction avec les nouvelles dispositions du Décret de 2005. Ce dernier permet de bénéficier d’un délai plus long et, dans certains cas, d’une extension exceptionnelle de 150 jours pour soumettre leurs états financiers.
Conformément à l’article 189 du Décret de 2005, ces anciennes dispositions, notamment les articles 6, 7 et 13 de la Loi sur les sociétés anonymes, sont abrogées. L’article 189 du Décret de 2005 dispose que toutes les dispositions légales ou réglementaires antérieures qui sont en contradiction avec ce décret sont abolies. Ainsi, les sociétés commerciales doivent désormais se conformer aux nouveaux délais fixés par le Décret de 2005.
Le principe est que les lois fiscales sont des lois spéciales donc d’interprétations strictes. Ainsi, la lettre du Décret de 2005 doit toujours primer sur celles qui lui sont antérieurs d’autant plus que le principe en matière de conflit de loi dans le temps permet à une loi plus récente d’abroger la plus ancienne. Toutefois, deux interprétations sont possibles. La première est que le Décret de 2005 abroge les articles 6, 7 et 13 de Loi sur les sociétés anonymes, rendant ainsi ces dispositions caduques. La seconde interprétation, plus nuancée, soutient que l’esprit de Loi sur les sociétés anonymes perdure, et que les articles 6, 7 et 13 doivent être interprétés à la lumière des nouveaux délais prévus par le Décret de 2005, intégrant ainsi cette évolution législative sans annuler les principes fondamentaux de la Loi sur les sociétés anonymes. Cette question doit être évaluée en fonction de l’intention du législateur, mais cela ouvre un tout autre débat !
Quid de l’Immatriculation des sociétés au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) prévue par la Loi portant réforme du statut de commerçant et des actes de commerce et organisant le registre de commerce de 2018 ?
En 2018, la Loi portant réforme du statut de commerçant et des actes de commerce a été adoptée pour moderniser le cadre juridique des activités commerciales en Haïti, notamment avec la création du RCS. Cette loi oblige toutes les entreprises commerciales à s’immatriculer ou à renouveler leur inscription au RCS, ce qui poursuit le même objectif que les articles 6, 7 et 13 de la Législation sur les sociétés anonymes abrogées par le Décret de 2005 qui visaient à maintenir un contrôle sur les activités commerciales sur le territoire. Malheureusement, à ce jour, il n’y a pas d’information précise sur la mise en place effective de ce registre par le MCI.
Conclusion
Bien que ce cadre législatif soit conçu pour améliorer la régulation des entreprises en Haïti, il est courant, en pratique, de constater que certaines sociétés ne respectent pas ces exigences, en grande partie à cause du manque de clarté des dispositions actuellement en vigueur. Tout en saluant l’effort du MCI pour renforcer l’État de droit, il est crucial que le MCI et le Ministère de l’Économie et des Finances poursuivent cette démarche en incitant les sociétés anonymes à se conformer aux dispositions légales. Cela nécessitera une harmonisation en amont entre ces deux entités pour clarifier les obligations légales et fiscales des sociétés, tout en prenant en compte les difficultés découlant des incohérences et imprécisions du cadre juridique actuel.
Nous recommandons donc aux entrepreneurs faisant affaire en Haïti de porter une attention particulière à ces rappels de l’administration publique, qui passent souvent inaperçues, afin d’éviter de se retrouver en défaut, même de bonne foi. En fin de compte, nul n’est censé ignorer la loi !
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HAITIAN CORPORATIONS: UNAWARENESS, MISINTERPRETATION, AND INCONSISTENCY OF THE LAW
On October 9, 2024, the Ministry of Commerce and Industry (MCI) issued a note reminding all corporations of the importance of complying with legal requirements for annual declarations, particularly the submission of the activity balance sheet and the declaration of operation. Christelle Vaval, a business law attorney at Cabinet Salès, deemed it appropriate to draw the attention of AmCham Haiti members to the applicability of this notice in light of the current legislation. She particularly emphasized the importance of two key provisions for understanding the legal obligations of corporations (société anonymes) in Haiti: Article 44 of the 2005 Decree on Income Tax, which sets deadlines for the submission of companies’ financial statements, and Article 1133-1of the 2018 Law on the Reform of the Merchant Status and Commercial Acts, which obliges the registration or renewal of companies with the Commercial and Companies Registry (RCS).
In his note dated October 9, 2024, the Minister of Commerce and Industry, Mr. James Monazard, reiterated the provisions of Articles 6, 7, and 13 of the Law of August 3, 1955, as amended by the successive decrees of August 28, 1960, October 16, 1967, and November 11, 1968 (“Corporations Related Acts), which stipulate the following:
Corporations must submit a certified copy of their financial statements to the MCI between October 1 and October 30 each year. This financial statement must be accompanied by a declaration confirming that the company is operational. A fee of 1,500 gourdes is required for this declaration, to which a 100-gourdes stamp must be affixed.
Furthermore, the license (Patente) issued by the Direction Générale des Impots (DGI) will only be granted upon presentation of a receipt confirming that the balance sheet has been appropriately filed with the MCI, in accordance with the law.
Corporations that are inactive but wish to maintain their legal existence must notify the DGI by January 15 each year. In this case, they must pay a non-operation fee of 25,000 gourdes. This process ensures that the state can keep its records up to date and identify inactive companies that wish to retain their legal status.
Failure to meet these obligations could result in severe consequences, such as revoking the authorization to operate. If a company fails to submit its financial statement or neglects to notify the DGI and the MCI of its non-operation by December 31, its authorization to operate could be revoked. Consequently, the company will be unable to operate and continue its activities legally.
Incompatibility of articles 6, 7 et 13 of the Corporations Related Acts with the 2005 Decree on Income Tax
The 2005 Decree on Income Tax marked a significant shift in companies’ fiscal obligations in Haiti, particularly regarding the submission of financial statements. Under this 2005 decree, companies have 90 days from the end of their fiscal year to file their financial statements with the DGI. Additionally, the decree allows for an extension of up to 120 days following the close of the fiscal year. This system contrasts with the deadlines imposed by the Corporations Related Acts, which required financial statements to be filed by October 30.
This timeline difference creates an incompatibility between the previous provisions and the 2005 Decree. Articles 6, 7, and 13 of the Corporations Related Acts, which governed the obligations to file their financial statement, now conflict with the new provisions of the 2005 Decree. The latter allows for a longer timeframe and, in some cases, an exceptional extension of 150 days for submitting financial statements.
Additionally, under Article 189 of the 2005 Decree, these previous provisions are repealed, particularly Articles 6, 7, and 13 of the Corporations Related Acts. Article 189 of the 2005 Decree states that all prior legal or regulatory provisions contradictory to the terms of this decree are repealed. Thus, commercial companies must comply with the new deadlines established by the 2005 Decree.
The principle is that tax laws are special laws and should be interpreted strictly. Therefore, the wording of the 2005 Decree should take precedence over earlier laws, particularly as the principle of conflict between laws over time allows for the more recent law to repeal the older one. However, two interpretations remain possible. The first is that the 2005 Decree repeals articles 6, 7, and 13 of the Corporations Act, rendering those provisions obsolete. The second, more nuanced interpretation holds that the spirit of the Corporations Act, persists and that articles 6, 7, and 13 should be interpreted in light of the new deadlines set forth by the 2005 Decree, thereby integrating this legislative development without annulling the fundamental principles of the Corporations Related Acts. This should be based on the legislator’s intention, but this is another matter!
What about the registration of companies with the Commercial and Companies Registry (RCS), as required by the 2018 Law on the Reform of the Merchant Status and Commercial Acts?
In 2018, the Law on the Reform of the Merchant Status and Commercial Acts was adopted to modernize the legal framework for commercial activities in Haiti, notably with the creation of the RCS. This law requires all commercial enterprises to register or renew their registration with the RCS, aiming to achieve the same objective as Articles 6, 7, and 13 of the Corporations Related Acts, which were repealed by the 2005 Decree and were intended to maintain oversight of commercial activities within the country. Unfortunately, to date, there is no clear information regarding the effective implementation of this registry by the MCI.
Conclusion
Although this legislative framework is designed to improve the regulation of companies in Haiti, some companies commonly fail to comply with these requirements, mainly due to the need for more clarity in the provisions currently in force. While welcoming the MCI’s effort to strengthen the rule of law, the MCI and the Ministry of Economy and Finance must continue this initiative by encouraging corporations to comply with legal provisions. This will require harmonization between these two entities to clarify companies’ legal and fiscal obligations while addressing the challenges posed by the inconsistencies and ambiguities in the current legal framework.
Therefore, we recommend that entrepreneurs doing business in Haiti pay close attention to these public administration notices, which often go unnoticed, to avoid default, even in good faith. After all, ignorance of the law excuses no one!